Faire preuve de reconnaissance pour mieux traverser les épreuves ensemble

Publié le 21 décembre 20

Entrevue avec Jean-François Bertholet

Jean-Francois Bertholet est consultant en développement organisationnel, spécialiste du monde du travail, enseignant à HEC Montréal, ainsi que conférencier et formateur spécialisé en leadership et mobilisation des ressources humaines. Il croit que le succès de vos équipes passe par une gestion humaine des ressources et que l’être humain veut collaborer : il suffit de ne pas lui enlever le goût de le faire! Membre de Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations Industrielles agréés du Québec à titre de CRHA, il intervient régulièrement sur les enjeux RH dans la sphère publique, tant sur les ondes du 98,5 FM à la radio que pour le journal Les Affaires.

 

D’abord, pourquoi est-il important pour les gestionnaires du commerce de détail de reconnaître le travail de leurs employés dans cette période incertaine?

Les êtres humains ont besoin de soutien social, c’est-à-dire d’être en mesure de répondre à la question : « Y a-t-il des gens sur qui je peux compter au quotidien? » C’est important pour la santé et pour le bien-être de se sentir estimé et de pouvoir compter sur un réseau de soutien, encore plus en ces temps difficiles. C’est la même chose pour la reconnaissance. C’est toujours important, mais en contexte de pandémie et de crise, c’est d’autant plus important, parce que nous sommes plus isolés et qu’il y a plus de stress et d’incertitude. La reconnaissance permet d’augmenter la performance, la mobilisation et la rétention, tandis que l’absence de reconnaissance peut avoir un effet dévastateur. Se faire reconnaître, ça fait du bien, mais ne pas se faire reconnaître du tout a un impact encore plus grand. En matière de reconnaissance, il ne s’agit pas d’être exceptionnel, mais surtout de ne pas être mauvais. La mobilisation des employés augmente leur performance et cela accroît la satisfaction de la clientèle. Ce que les études démontrent, c’est qu’en contexte de crise, la corrélation entre la mobilisation et le succès est décuplée. Non seulement c’est important, mais ce l’est encore plus dans ces moments de vérité.

 

De quelle façon les détaillants peuvent-ils démontrer leur reconnaissance à leur personnel?

Une des idées fausses en matière de reconnaissance, c’est de croire que nous devons mettre en place un programme de reconnaissance formel, alors que la reconnaissance, c’est surtout une façon d’être. Au lieu de nous demander comment nous pourrions implanter un programme de reconnaissance (ce qui n’est pas mauvais), nous devrions d’abord nous demander si nous sommes foncièrement reconnaissants. Si nous ne le sommes pas suffisamment, il faut réfléchir et prendre conscience que nous dépendons de nos employés. Ils pourraient aujourd’hui être n’importe où, bien loin de votre entreprise. Ils ont choisi de travailler dans votre commerce. La meilleure source de reconnaissance, c’est d’éprouver de la gratitude sincère, de réaliser que vos employés se déplacent chaque matin pour travailler pour vous et pour vendre vos produits, et de ne pas les tenir pour acquis. Cette prise de conscience va transparaître dans chacune de vos actions.

 

Comment peut-on devenir plus reconnaissant?

Heureusement, la gratitude, ça s’apprend et ça se développe! Ça permet aussi de vivre plus vieux et en meilleure santé. La gratitude, c’est excellent pour faire vivre la reconnaissance à ses employés, mais aussi pour se sentir mieux de façon générale. Notre cerveau est programmé pour détecter le négatif quand nous nous sentons menacés. Un gestionnaire en contexte de crise peut ressentir une certaine menace, ce qui peut porter davantage son attention sur le négatif et l’inciter à repérer ce qui ne fonctionne pas. Ça demande un effort supplémentaire, en temps de crise, pour voir et reconnaître les éléments positifs. Reconnaître le travail d’un employé ne lui envoie pas simplement le signal que son supérieur l’apprécie, mais ça l’inspire aussi à se dépasser. Quand nous ajoutons l’apprentissage à la reconnaissance, nous maximisons l’impact.

 

Est-ce seulement les gestes exceptionnels qui mériteraient une reconnaissance?

N’attendons pas le coup de circuit, mais soulignons les bons coups du quotidien. On peut penser que l’employé est déjà récompensé pour son bon travail puisqu’il reçoit un salaire. Un employé qui vient travailler chaque jour fait preuve de loyauté et de mobilisation et le gestionnaire doit le reconnaître. La reconnaissance n’est pas la récompense. Il peut même y avoir un effet pervers à ce qu’une certaine tâche soit toujours rattachée à une récompense, comme c’est le cas avec les concours de vente. Retirer la récompense peut donner l’impression qu’on retire la rémunération. Créez plutôt de l’appréciation. Ça ne veut pas dire de ne pas bien rémunérer les gens, mais cela signifie ne pas être constamment dans une logique d’incitatifs, mais plutôt dans l’appréciation sincère.

 

De quelle façon un gestionnaire peut-il reconnaître les bons coups du quotidien?

Il y a plusieurs façons de le faire! C’est demander à l’employé le plus créatif ce qu’il pense du nouveau slogan, par exemple. C’est connaître leurs talents, utiliser les forces de chacun, demander l’avis, impliquer, apprécier et soutenir. Il n’est pas nécessaire de récompenser. Reconnaître, c’est dire : « Je te connais, je m’intéresse à toi et tu es important. »

 

La période des Fêtes est souvent pour les gestionnaires un moment propice pour souligner les réussites. De quelle façon pourront-ils le faire cette année?

Il est certain que le contexte actuel n’est pas idéal. Mon conseil est de faire preuve de créativité. Par exemple, pourquoi ne pas rédiger à la main une carte personnalisée dans laquelle on inscrit une chose qui nous impressionne chez chaque employé? Ce n’est pas une question d’argent, c’est l’idée de remercier les gens qui composent notre équipe et qui font le choix de travailler pour nous. Pourvu que ce soit sincère, senti et authentique, les gens vont le percevoir. On dit que c’est l’intention qui compte, et c’est vrai.

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