Atelier b : une entreprise mode innovante et créative qui détourne plus d’une tonne de matières textiles des sites d’enfouissement
Entrevue avec Anne-Marie Laflamme, designer et cofondatrice d’atelier b.
Atelier B est une entreprise montréalaise de mode éthique fondée en 2009 par Anne-Marie Laflamme et Catherine Métivier. Les deux femmes conçoivent des collections de vêtements pour hommes, femmes et enfants entièrement fabriquées au Québec avec des fibres naturelles.
Pouvez-vous nous raconter l’histoire d’atelier b?
Nous avons lancé notre projet en 2009 afin d’offrir une option de vêtements entièrement conçus à Montréal avec des matières naturelles. Nous avons ensuite ouvert la boutique en 2011 parce que nous rêvions d’un lieu à notre image à la fois rassembleur et chaleureux pour accueillir notre clientèle. Soucieuses de réduire l’impact environnemental de notre industrie, nous effectuons beaucoup de recherches en ce sens. La boutique sert à la fois d’atelier et de laboratoire pour nos recherches. Nous tenons des événements et offrons des cours à l’atelier-boutique; c’est très communautaire et familial. D’ailleurs, le nom de notre entreprise est tiré de la promesse de continuer d’évoluer dans un atelier, en contraste avec les emplois du design de mode qui sont souvent devant un ordinateur lorsque la fabrication est confiée à l’étranger. Ce qui nous intéresse de notre métier, c’est notre présence dans l’atelier et le contact avec la matière.
Dans notre article sur les tendances à surveiller dans le secteur en 2024, nous avons indiqué l’essor de l’engagement écoresponsable ainsi que la croissance de l’économie circulaire. Avez-vous remarqué un tel engouement chez atelier b?
Ce sont des valeurs qui ont toujours été importantes au sein de notre clientèle puisque c’est au cœur de notre entreprise. Atelier b s’est bâtie autour de nos valeurs environnementales. Ensuite, comme nous exploitons une petite entreprise, Catherine et moi nous occupons de toutes les étapes des projets, et cela inclut la gestion des matières résiduelles. Nous nous sommes rapidement aperçues de la quantité de déchets occasionnée par notre production manufacturière.
Pour notre part, quand il est question de l’environnement, nous incluons également les humains. Ce serait un non-sens pour nous d’offrir des vêtements certifiés biologiques s’ils étaient fabriqués dans des conditions inhumaines. On ne peut pas extraire l’humain de l’environnement, alors il faut prendre soin des êtres humains dans toutes les étapes de la conception et de la confection d’un produit. Avec le temps, nous avons optimisé notre consommation de matières premières en utilisant un logiciel de placement pour nos patrons et ainsi évité le plus de gaspillage de tissus possible. Nous avons également lancé une collection de vêtements pour enfants et confectionné des peluches afin d’utiliser les fins de rouleaux de tissu, les surplus et les plus grandes retailles. Malgré tous ces efforts, on avait mesuré qu’il nous restait à peu près deux tonnes de retailles qui s’en allaient à l’enfouissement chaque année. Ces matières-là sont souvent importées du Japon, de l’Italie, d’Europe du Nord et ont nécessité beaucoup de ressources à produire. Nous ne pouvions tout simplement pas jeter ces textiles aux couleurs riches aux ordures, mais les retailles étaient tellement petites qu’on ne pouvait plus les utiliser pour la couture.
Nos recherches nous ont permis de découvrir une technique ancestrale de fabrication de pâte de papier avec des fibres de coton. Cela nous a inspiré la création d’objets design ou fonctionnels qui seraient composés de cette matière comme un nouveau matériau. Nous avons commencé à travailler sur ce projet en 2020, et des partenaires comme la SODEC et RECYC-QUÉBEC se sont joints à nous. Nous explorons différentes techniques avec nos objets en pâte de textile. Nous travaillons d’ailleurs sur un cintre qui sera conçu dans cette matière. C’est une belle image symbolique que nos vêtements puissent reposer sur des cintres fabriqués avec leurs propres retailles.
Nous avons aussi un programme de collecte de vêtements usagés, qu’il est possible de nous rapporter à l’atelier ou de nous renvoyer par la poste. Les vêtements en bon état seront revendus à très petit prix lors de nos ventes de vêtements usagés, ce qui rend notre marque accessible à une clientèle plus diversifiée. Les vêtements plus endommagés ou usés sont intégrés dans notre processus de recyclage de retailles, alors rien ne va à l’enfouissement!
Il est certain que nous observons une augmentation de l’intérêt de la clientèle pour notre entreprise éthique. C’est une tendance en croissance depuis quelques années. D’ailleurs, nos projets en développement durable et en économie circulaire suscitent l’attention des médias et nous permettent de joindre une nouvelle clientèle.
Quelle relation entretenez-vous avec votre clientèle?
Pour nous, la relation avec la clientèle ne se termine pas après la transaction. Comme nos vêtements sont garantis, nous prenons en charge les réparations en cas d’usure prématurée d’un morceau, et c’est avec plaisir que nous remplacerons un bouton égaré. Nous pouvons aussi réparer les vêtements qui ont été abîmés, par exemple lors d’une chute à vélo. Il nous arrive même de leur donner une seconde vie afin qu’ils répondent aux nouveaux besoins de leur propriétaire. Dernièrement, une cliente nous a rapporté une robe en expliquant qu’elle n’en portait plus vraiment. Avec sa robe, nous lui avons confectionné un haut ainsi qu’un short pour son enfant. Dans toutes les situations, nous tentons de trouver une solution pour prolonger la vie des morceaux atelier b. Nous créons des vêtements durables, mais nous souhaitons également établir des relations durables avec notre clientèle, qui comprend rapidement que nous ne sommes pas là uniquement pour clore des ventes.
Selon vous, qu’est-ce qui explique le succès d’atelier b depuis près de 15 ans?
Nous sommes toujours en train de trouver de nouvelles façons d’innover, et comme nous partageons le fruit de nos recherches avec notre communauté, je crois que ça fait en sorte que notre clientèle demeure intéressée. Nous nous penchons actuellement sur les teintures végétales en plus de travailler sur notre projet de recyclage de retailles et d’économie circulaire. Nous sommes plus qu’une marque de vêtements, nous sommes une entreprise d’innovation, et les gens voient que nous sommes réellement engagées dans le changement de notre industrie.
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