Entrevue avec Debbie Zakaib

Publié le 31 août 20

Debbie Zakaib, directrice générale de mmode

Forte de son expertise en gestion et en mode et de son engagement au sein de plusieurs conseils d’administration, Debbie Zakaib est à la tête de la Grappe mmode depuis 2016 en tant que directrice générale. Lancée en mai 2015, mmode, la Grappe métropolitaine de la mode, a pour mission d’améliorer la compétitivité et de contribuer à la croissance de l’industrie de la mode québécoise, en agissant comme principale plateforme d’échange et de collaboration de l’écosystème.

 

Madame Zakaib, quels sont les impacts de la pandémie sur les détaillants de mode du Québec?

Le secteur de la mode était déjà fragilisé depuis le début de 2020 par la crise ferroviaire et ensuite lorsque l’Asie a été touché par la crise de la COVID-19, ce qui a fait en sorte que l’arrivée des approvisionnements et produits finis ont été retardés. Ça été un véritable choc lorsque les détaillants ont été obligés de fermer leurs boutiques au Canada puisque cela a engendré une importante perte de revenus. Pour certains détaillants, le commerce en ligne a été très bon et de plus petits ont même pu observer une augmentation de leurs ventes totales.

Par contre, après plusieurs semaines, pour les grands détaillants, on remarque que les ventes en ligne n’ont pas compensé pour la perte de revenus. Face à des dépenses importantes comme les loyers commerciaux, certaines entreprises se sont placées à l’abri de leurs créanciers afin de se restructurer. Dans le secteur de la mode, il y a énormément d’inventaire et il y a les cycles des quatre saisons. En plus d’avoir plusieurs magasins fermés, des employés en mise à pied temporaire et un accès restreint à leur siège social, il leur fallait préparer les collections d’automne. Alors c’était tout un casse-tête.

 

Comment l’industrie de la mode s’est réinventée?

Les entreprises travaillent très fort pour assurer la santé et la sécurité de leurs travailleurs et de leur clientèle. On a une industrie de la mode super dynamique, innovante et agile et je pense qu’on l’a prouvé dans les derniers mois. On s’est adapté très vite en faisant preuve de créativité. Je pense par exemple à Tristan qui a développé un modèle de visière médicale et à Shan qui confectionne des blouses de protection. J’ai également été témoin de beaux élans de solidarité. Les créateurs se sont rassemblés et ont partagé sur leurs réseaux sociaux le travail d’autres créateurs pour promouvoir la mode québécoise avec le mot clic #ModeSolidaire.

Il y a aussi des détaillants qui ont formé des groupes de discussion pour partager leurs bonnes pratiques, leurs solutions et parfois aussi pour travailler ensemble et faire front commun en négociation. Ils ont dû s’unir pour traverser cette crise-là ensemble. Le commerce de détail du secteur mode au Québec c’est plus de 40 000 emplois, c’est autant d’emplois que dans l’industrie aérospatiale. C’est important pour notre économie alors on doit en prendre soin et la valoriser pour l’aider à traverser cette tempête.

 

Croyez-vous que la situation actuelle va redonner un élan à l’achat local?

Cette crise permet à toute la société de réfléchir aux bénéfices de l’achat local et à l’impact de la manufacture locale. Il est important de pouvoir être autonome et d’avoir un savoir-faire manufacturier ici au Québec. Ça fait plusieurs années qu’on est en pénurie de main-d’œuvre dans le secteur du vêtement et du textile au Québec, à tous les niveaux de la chaîne de valeurs, et on se rend compte en ce moment de l’importance d’avoir la capacité de produire localement du matériel de protection pour notre réseau de santé et pour les individus. Il y a eu plusieurs initiatives pour relancer l’achat local et plusieurs conversations autour des bienfaits d’acheter localement et de faire vivre des entreprises et donc des travailleurs d’ici.

Bien sûr, il y a différents degrés d’achat local, que ce soit un créateur qui conçoit et fabrique ici ou des grandes bannières qui ont leur siège social au Québec et qui engagent des milliers de personnes. Du côté de mmode, on a fait par exemple un répertoire des centaines d’entreprises d’ici qui fabriquent et vendent des masques sur le site mtlstyle.com. Les gens peuvent découvrir des créateurs d’ici à travers notre répertoire. C’est important de payer les taxes de vente ici et d’encourager des entreprises qui paient des impôts au Québec, ce qui permet entre autres de supporter nos généreux programmes sociaux.

Pour d’autres entrevues d’experts, consultez le Magazine Détail Québec.