Entrevue avec Fabien Durif

Publié le 24 août 20

Fabien Durif, directeur et cofondateur de l’Observatoire de la consommation responsable (OCR)

Fabien Durif, Ph. D., est professeur titulaire en marketing à l’ESG UQAM. Il dirige l’Observatoire de la consommation responsable, une cellule d’études et de veille stratégique sur la consommation responsable, ainsi que le GreenUXlab (Laboratoire FCI de recherche en nouvelles expériences utilisateurs et en écoresponsabilité). Spécialisé dans les nouvelles tendances de consommation, il diffuse des études reconnues dans le domaine, comme le Baromètre de la consommation responsable au Québec ou l’Indice Kijiji de l’économie de seconde main. Chroniqueur sur la consommation responsable à Radio-Canada, il intervient régulièrement dans les médias. Au fil des années, il a contribué à de nombreux projets et interventions stratégiques pour de petites, moyennes et grandes entreprises provenant notamment du secteur du commerce de détail.

 

Quelle est la meilleure définition de l’achat local?

C’est assez complexe. Le concept d’achat local présente des dimensions et des frontières variables. La meilleure définition — et la plus simple — c’est l’achat de produits qui sont fabriqués localement. La question qui vient ensuite, c’est : « Qu’est-ce qui est local? ». La caractéristique que l’on retrouve généralement dans les définitions du « local », c’est le rapprochement entre les activités de production, de transformation et de consommation au sein d’un territoire restreint, sans qu’il y ait présentement de consensus sur la notion de territoire en matière de distance ou de frontières (p. ex. : comté, province, État).

 

Est-ce que l’achat local a connu une augmentation avec la crise?

Certainement! Le potentiel pour l’achat local s’observe à travers un intérêt croissant des consommateurs, en particulier depuis la crise économique de 2008, et cela n’a pas cessé depuis. C’est une tendance qui était donc préexistante, déjà relativement forte, en croissance constante, et elle a été propulsée par la crise actuelle. Le contexte de la crise semble ainsi avoir profité à l’achat local : les notions de local et de proximité sont ressorties comme étant les valeurs montantes et fédératrices de la crise.

Depuis près de 15 ans, on observait que la motivation principale à l’achat local concernait les bénéfices personnels, comme la recherche d’une qualité ou d’un goût, puisque les études étaient en grande majorité dans le secteur agroalimentaire. Le soutien à l’économie, c’était important, mais c’était souvent secondaire aux bénéfices personnels. Depuis le début de la crise, on se rend compte que l’engagement économique est ce qui est le plus fort pour justifier l’achat local. Presque sept citoyens sur dix achètent local dans un souci de soutenir leur économie et d’encourager des entreprises locales. Cela fait en sorte qu’un nombre beaucoup plus élevé de citoyens s’intéressent à l’achat local. La plateforme Le panier bleu en est un bel exemple, avec près de deux millions de visites dans les 24 à 48 heures suivant son lancement. C’est une vitrine extraordinaire pour les entreprises d’ici!

 

Quels sont les avantages, pour les détaillants, de valoriser les produits locaux?

Lorsqu’on est un détaillant, il faut répondre aux attentes des consommateurs, qui sont de plus en plus exigeants en ce qui a trait à l’achat local. On doit faciliter leurs recherches et leur permettre de repérer facilement les produits locaux en magasin et en ligne. Comme il n’existe pas présentement d’étiquette officielle pour les produits non alimentaires, une possibilité est de créer son propre programme d’affichage qui met en valeur les produits québécois en se concentrant sur la communication des informations les plus importantes pour les consommateurs, soit l’origine des produits et les répercussions de cet achat sur l’économie (sur le plan de l’économie, mais aussi sur celui des emplois). Il faut faciliter le processus décisionnel du consommateur et l’informer sur la valeur ajoutée des produits locaux, puisque ces derniers peuvent être offerts à un prix un peu plus élevé que les autres.

Les études démontrent en ce moment que le frein du prix est beaucoup moins élevé quand il est question d’achat local. La responsabilité sociale est perçue de manière si positive que les citoyens pourraient être prêts à faire des concessions sur le prix. La tendance est suffisamment forte pour que de nombreux détaillants ajoutent des mentions Produit du Québec ou Produit fait ici alors qu’ils ne le faisaient pas auparavant. Certains vont même jusqu’à baser leurs publicités et leur marketing sur l’éventail de produits locaux offerts dans leurs magasins, puisque c’est ce que la clientèle recherche. Mais il faut être transparents et authentiques, et apporter les preuves de cet engagement, car le simple fait de surfer sur la vague à court terme ne suffira pas.

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