Entrevue avec Stéphane Drouin

Publié le 24 juillet 20

État du commerce de détail

Entrevue avec Stéphane Drouin, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail

Issu d’une famille d’entrepreneurs de la Beauce, Stéphane Drouin a grandi dans le milieu des PME et du commerce de détail. Il est diplômé en administration de l’Université Laval. En 1998, il a fondé l’agence SVM, une firme spécialisée en stratégie de mise en marché et de marketing au point de vente pour les acteurs du commerce de détail. SVM a réalisé des mandats pour plusieurs chaînes québécoises de détail ainsi que pour des fabricants nationaux et internationaux. M. Drouin a également créé une firme spécialisée en planification stratégique et en coaching pour PME, en plus d’agir à titre de coach-entraîneur à l’École d’entrepreneurship de Beauce. En 2019, il a pris la direction générale du Centre québécois d’innovation en commerce avant de se joindre au CQCD à titre de directeur général en avril 2020.

 

Maintenant que les magasins rouvrent, la clientèle et les ventes sont-elles au rendez-vous?

Avant la réouverture, il était difficile de prédire si les gens souhaiteraient aller magasiner dans ce nouveau contexte de mesures sanitaires. Nous nous demandions si le commerce en ligne allait avoir surpassé le commerce physique. Dans les commerces essentiels, les clients étaient au rendez-vous : ils acceptaient que l’expérience d’achat de leurs biens essentiels soit différente. Nous étions curieux de voir la réaction des consommateurs dans un contexte de magasinage axé sur le plaisir d’acheter des biens non essentiels. Or, au moment de la réouverture des commerces, les gens étaient déjà habitués à magasiner en temps de pandémie, alors ils n’étaient plus intimidés par les mesures sanitaires. Les commerçants étaient prêts et les gens ont été très disciplinés. En collaboration avec Détail Québec, nous avons travaillé à préparer les détaillants à l’application des mesures sanitaires ainsi qu’à les sensibiliser à l’importance de ramener le facteur humain au premier plan. Malgré la distanciation physique, après deux mois de confinement, les gens avaient besoin de se faire accueillir dans un commerce par une personne qui est contente de les recevoir. Nous avons remarqué qu’il y a moins d’activité en magasin qu’avant la période de crise, mais que les gens qui se présentent sont là pour acheter. Le taux d’achat par client est beaucoup plus élevé et la valeur du panier d’achat est aussi un peu plus grande. Tout cela, en plus du commerce en ligne qui se maintient à des niveaux importants, permet aux détaillants de retrouver un certain niveau de ventes.

 

Est-il vrai que certains secteurs ont même vu une augmentation de leurs ventes?

En effet, les ventes ont bondi chez certains détaillants. C’est le cas des commerces qui offrent des articles de sport et de plein air, des quincailleries, des jardineries, ainsi que des détaillants de piscines et de barbecues. En mars et en avril, ces secteurs étaient très inquiets, mais ils se retrouvent aujourd’hui dans une position très favorable. Nous avons été chanceux, si on peut dire, de rouvrir les commerces en début de saison plutôt qu’en juillet. C’était un moment favorable pour tous les achats saisonniers, que ce soit en ce qui concerne les vêtements, les chaussures, les articles de sport et de plein air, l’aménagement de la cour extérieure ou les rénovations. Le gros défi se trouve du côté de l’industrie de la mode, qui doit écouler ses stocks printemps-été avant que la saison soit terminée et qu’elle doive faire place aux collections d’automne. L’ouverture tardive des centres commerciaux du grand Montréal nuit beaucoup aux détaillants, qui ne peuvent pas compter sur l’ensemble de leur réseau de magasins.

 

Qu’est-ce qui pourra aider les détaillants à se relever?

Dans le contexte actuel, le commerce en ligne demeurera, et toute l’expérience omnicanale créera la synergie entre le commerce en ligne et le commerce physique. La crise agit comme un accélérateur et comme une loupe. Certaines problématiques ont été accentuées. Les détaillants qui tardaient à faire le saut vers le numérique ne pouvaient plus ignorer cette nécessité pendant la crise. C’est devenu un enjeu majeur. Sur le plan de la logistique du commerce en ligne, du transport et de la livraison, cette problématique existait depuis quelques années. Avec la crise, le volume des commandes en ligne a explosé et on se retrouve avec de gros retards de livraison. Puisque le ramassage en magasin était interdit pour les commerces non essentiels qui devaient demeurer fermés, celui-ci n’a pas permis de contourner le problème. Les détaillants doivent maintenant réfléchir à la façon d’offrir une expérience en magasin à valeur ajoutée qui sera complétée par un site Web transactionnel. Il faut s’assurer de la grande synergie entre les deux canaux, avec l’intégration des nouvelles technologies comme les agents conversationnels (chatbots) et les vidéos en direct en magasin pour alimenter le commerce électronique, par exemple.

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