Gosselin : quand une crise entraîne l’acquisition d’une nouvelle clientèle

Publié le 29 mars 21

Entrevue avec Marie-Claude Fréchette, directrice principale, marketing et commerce électronique

 

Établie en 1936, la société Gosselin exploite aujourd’hui cinq magasins au Québec et est reconnue comme l’un des leaders parmi les détaillants spécialisés en photo et en vidéo au Canada. Gosselin offre une gamme complète de produits et services de photographie, de vidéo et d’impression. Les valeurs essentielles de l’entreprise sont la passion et l’enthousiasme communicatif que partagent les 70 membres de l’équipe pour l’univers de l’image ainsi que pour le service et les conseils prodigués à leurs clients, qu’ils soient débutants ou experts.

 

Comment la crise a-t-elle touché Gosselin?

Avant la pandémie, l’entreprise était en croissance et en très bonne position, tant financièrement que stratégiquement. Nous préparions même l’ouverture d’une nouvelle succursale de 5 000 pieds carrés au centre-ville de Montréal. Nous avons quand même réévalué ce projet, qui représentait un investissement considérable de plus de deux millions de dollars. Par ce nouveau magasin, nous souhaitions marquer un tournant pour Gosselin, qui n’était pas encore présent sur l’île de Montréal.

Nous en sommes venus à la conclusion que si c’était un bon projet avant la pandémie, nous ne voyions pas pourquoi ce n’en serait pas un après la pandémie. Nous sommes donc allés de l’avant et avons ouvert notre toute première succursale à Montréal, le 27 novembre 2020, dans les anciens locaux de MusiquePlus, rue Sainte-Catherine Ouest. Nous sommes une entreprise québécoise en affaires depuis maintenant 85 ans, en pleine croissance, et cet investissement signifie que nous sommes plus forts que jamais dans notre industrie.

© David Boyer Photographe

Quelle a été votre plus belle surprise?

De notre côté, la pandémie s’est traduite par une augmentation des commandes en ligne. Du jour au lendemain, nous avons constaté une explosion du volume de commandes, parce que les magasins n’étaient plus ouverts au public. Heureusement, nous vendions déjà en ligne depuis quelques années. Les commerces ont tiré leur épingle du jeu grâce au Web et aux médias sociaux. Ce que nous n’avions pas vu venir, c’est la vague de gens qui allaient avoir besoin d’équipement pour continuer de travailler en vidéoconférence, pour offrir leurs services en ligne ou même pour garder contact avec leur clientèle.

Gosselin est un magasin spécialisé et la pandémie nous a permis d’élargir le spectre de notre clientèle. Comme la majorité des gens se sont retrouvés à travailler à partir de la maison, ceux-ci ont dû s’équiper pour rejoindre leurs clients à distance. Par exemple, une professeure de yoga qui veut offrir ses services en ligne doit s’équiper d’une caméra et d’éclairage pour offrir un service professionnel. Alors ça nous a amené une toute nouvelle clientèle qui n’achetait pas nécessairement chez Gosselin avant la pandémie. D’autres gens ont vu leurs temps libres augmenter, ont voulu s’adonner à une nouvelle passion et ont opté pour la photographie ou la vidéo. Gosselin était aussi là pour répondre à leurs besoins et pour les conseiller.

 

Quels apprentissages retirez-vous de la crise?

Je dis souvent que les derniers mois étaient l’équivalent de faire un MBA pour cadres; la crise fut une étude de cas très intense où nous essayions de prévoir l’imprévisible et où nous nous réajustions quotidiennement au fil des événements. Au printemps dernier, nous étions davantage en mode réactif que proactif, puisque nous vivions une situation exceptionnelle, comme la plupart des gens. À l’automne, la dynamique avait changé et nous avions aussi évolué en tant que gestionnaires. Nous étions beaucoup mieux préparés.

L’année 2020 a été favorable à l’acquisition de nombreux nouveaux clients et ce fut une occasion unique de leur faire découvrir Gosselin. L’un de nos premiers réflexes a été d’offrir des cours en ligne. Nous avons une division, nommée Collège Gosselin, qui offre des formations, des cours particuliers, des cours de groupe ainsi que des sorties photo. Normalement, tout ça avait lieu en magasin, et nous avions également le projet de le transposer en ligne. La pandémie a forcé l’accélération de ce projet. Maintenant, nous diffusons en ligne une dizaine de cours par semaine.

Au printemps dernier, nous avons aussi offert le midi des conférences gratuites en direct sur notre page Facebook afin d’aborder différentes thématiques qui touchent la photo, la vidéo ou la diffusion en continu. C’était une belle façon de garder le contact avec notre clientèle. À notre grande surprise, le premier rendez-vous a attiré plus de 1 400 participants. La crise nous a ainsi permis de mettre en place des initiatives que nous conserverons assurément.

 

Selon vous, quelles seront les répercussions de la crise sur le commerce de détail?

La crise a favorisé une accélération sur le plan du commerce électronique, et ce, en très peu de temps. Le Québec accusait un certain retard à ce niveau, comparativement à d’autres pays. Je pense qu’il y aura de bonnes retombées de ce côté-là, autant pour l’expérience client que pour les détaillants. Ceux qui avaient déjà pris le tournant du commerce électronique avant la crise ont pu en profiter davantage, tandis que les autres devront travailler plus fort pour rattraper la vague, car les habitudes de consommation ont changé et continueront d’évoluer au rythme de la technologie.

La crise nous a permis de constater que les magasins physiques ont toujours leur place. Les experts en marketing se posent souvent la question à savoir si le magasin physique existera toujours dans cinq, dix ou quinze ans, ou si c’est le Web qui va tout récolter sur le plan des transactions. Je pense que ce que nous avons vécu en 2020 est la preuve que le magasin physique occupe encore une place de choix dans nos habitudes d’achat. Nous avons besoin d’établir un contact direct avec une autre personne. Les magasins apportent cette dimension humaine, avec un service personnalisé. Bien que le commerce en ligne soit de plus en plus présent, il ne remplacera jamais l’expérience de se rendre en magasin, d’être face à quelqu’un et d’avoir une interaction avec une personne qui a une expertise, surtout dans notre domaine très spécialisé.

Pour d’autres entrevues avec des détaillants, consultez le Magazine Détail Québec.