La santé psychologique des équipes de travail : au cœur de nos préoccupations!
En collaboration avec Sophie Meunier, chercheuse et professeure à l’UQAM, et Laurence Bouchard, candidate au doctorat en psychologie du travail et des organisations à l’UQAM
Pandémie et santé mentale
Les préoccupations liées à la COVID-19 ont eu des conséquences négatives pour la santé mentale chez 81 % des gens, selon une étude récente de Morneau Shepell. Une autre étude du Angus Reid Institute démontre pour sa part que les deux répercussions émotionnelles les plus fréquentes sont l’inquiétude (44 %) et l’anxiété (41 %). Une majorité de travailleurs déclarent un niveau modéré ou élevé de stress depuis le début de la crise.
Lors d’un récent webinaire de Détail Québec, les participants ont d’ailleurs indiqué ressentir certains facteurs de stress tels que la charge de travail, les difficultés de conciliation entre travail et vie familiale, le confinement, l’isolement, l’inconnu, etc.
Les principaux facteurs de risques psychosociaux au travail
Les principaux facteurs du milieu de travail pouvant avoir un effet néfaste sur la santé mentale des travailleurs sont :
- Une charge de travail élevée et des contraintes de temps;
- Le faible soutien (aide et collaboration) des collègues ou du supérieur;
- Peu d’autonomie et d’influence dans le travail;
- Une faible reconnaissance des efforts et des résultats[1].
La pandémie a nécessairement eu une influence sur ces facteurs et en a exacerbé plusieurs. Il est donc important de se questionner quant à la présence de ces facteurs de risque dans son milieu de travail et de trouver des stratégies permettant d’amoindrir leurs effets.
Portrait de la situation dans le commerce de détail
La COVID-19 a eu des répercussions négatives sur le commerce de détail (mises à pied temporaires, diminution des ventes, réorganisations, modifications des conditions de travail, etc.), lesquelles ont eu pour effet d’augmenter le niveau de stress général. Selon les données publiées par Détail Québec dans son rapport sur les effets de la pandémie sur le commerce de détail, plus de la moitié des employés (56 %) ont indiqué vivre davantage de stress depuis le début de la crise. Par ailleurs, 74 % des employés se considèrent comme satisfaits du soutien offert par leurs employeurs. Alors que les employés sont l’une des ressources les plus précieuses dans le commerce de détail et que l’on prévoit des difficultés de recrutement dans les années à venir, il est d’autant plus important de prendre soin des équipes de travail afin de garder le personnel en poste et en santé!
Comment reconnaître les signes avant-coureurs?
Il est important de demeurer à l’affût, au quotidien, des changements qui se manifestent à l’intérieur de nos équipes de travail. Plus vite vous remarquerez ces signes précurseurs, plus vite vous pourrez réagir, en offrant le soutien approprié à l’employé ou en le dirigeant vers les ressources à sa disposition. Il ne faut pas seulement s’intéresser à la baisse de performance, mais à la personne dans son ensemble.
Les cinq catégories de signes avant-coureurs et leurs manifestations :
- Expression de détresse
Exemples : exprimer le fait d’être malheureux au travail, indiquer son désir de quitter son emploi, mentionner le fait d’être stressé, se plaindre à propos de l’équilibre travail-vie personnelle.
- Comportements de retrait
Exemple : être à l’écart, s’isoler de ses collègues, ne plus participer aux activités sociales.
- Comportements extrêmes
Exemples : avoir des lacunes sur le plan de l’hygiène personnelle, se présenter au travail avec les facultés affaiblies.
- Présence au travail
Exemples : arriver fréquemment en retard au travail, ne pas se présenter au travail.
- Performance
Exemples : ne pas performer à la hauteur de ses standards habituels, ne pas atteindre les objectifs ou répondre aux exigences.
Aborder les enjeux de santé psychologique
Il existe un certain inconfort à parler de santé mentale au travail. On estime que seul un employé sur trois se sentirait à l’aise de discuter d’une difficulté de santé mentale avec son employeur, tandis que 74 % des gestionnaires estiment qu’il est stressant de gérer un employé qui traverse un épisode dépressif.
Préparer la rencontre
Lorsque l’on souhaite rencontrer un employé qui présente des signes précurseurs d’une difficulté de santé mentale, il est essentiel de bien se préparer. Lors de cette rencontre, l’idée n’est pas de se transformer en psychothérapeute, mais bien de déterminer les manières dont on pourrait aider l’employé à retrouver son fonctionnement habituel au travail. Si l’on sent que l’employé vit de la détresse, il est possible de l’orienter vers des ressources spécialisées (voir ci-dessous). Pour bien préparer cette rencontre, il est nécessaire de tenir compte des points suivants :
- Bien définir les objectifs de la rencontre.
- Se baser sur des faits, des observations. Déterminer les comportements adéquats et inadéquats de l’employé ainsi que leurs conséquences.
- Fixer le lieu et le moment de la rencontre. Prévoir assez de temps et s’assurer de ne pas se faire déranger.
- Trouver à l’avance des ressources d’aide qui pourront être suggérées à l’employé, au besoin.
Déroulement de la rencontre
Au moment de la rencontre avec l’employé, certains comportements sont à favoriser :
- Agir avec empathie et sincérité;
- Pratiquer l’écoute active;
- Adopter une posture ouverte;
- Se baser sur des faits observables;
- Communiquer clairement son intention d’aider l’employé;
- Établir un plan de match;
- Prévoir d’effectuer un suivi auprès de l’employé.
Par ailleurs, certains comportements sont plutôt à éviter :
- Formuler des critiques, se limiter aux aspects négatifs;
- Étiqueter la personne
- Soumettre l’employé à un interrogatoire, lui poser des questions fermées;
- Minimiser la situation : « Ne t’en fais pas… Tu t’en remettras bientôt… »;
- Couper la parole;
- Imposer ses propres solutions.
Prendre soin de sa propre santé mentale
En avion, il est recommandé de placer le masque à oxygène sur soi d’abord avant de porter secours aux autres : il en va de même pour la santé mentale. Prendre soin de soi permet d’être plus disposé à prendre soin des autres. Voici quelques astuces à cet effet :
- Prendre conscience de ce que l’on contrôle et de ce que l’on ne contrôle pas.
- Utiliser des stratégies axées sur la résolution de problèmes pour les situations sur lesquelles on a un contrôle, et des stratégies axées sur la gestion des émotions pour ce que l’on ne contrôle pas.
- Pratiquer l’autogestion de sa santé mentale.
- Reconnaître et surtout accepter le fait de vivre des difficultés sur le plan de sa santé mentale.
- Faire preuve de compassion envers soi-même.
Effectuer des activités afin de recharger ses batteries
Toute l’énergie dépensée au travail doit être récupérée lorsque nous ne sommes pas au travail. Cela peut se faire de différentes façons et à différents moments. Il faut d’abord s’accorder des pauses durant la journée afin de décrocher du travail pendant de petits moments de récupération, soit en allant marcher ou en lisant un livre, par exemple. Exercer une activité qui vous permet de vous détacher psychologiquement du travail vous permettra aussi d’être plus productif au retour.
Il importe également de décrocher entre les journées de travail en accomplissant des activités qui diffèrent des tâches reliées au travail, par exemple. Il s’avère souvent que même si nous ne sommes plus physiquement au travail, notre tête y est encore. Pour y arriver, il est nécessaire de gérer les frontières entre le travail et la vie personnelle. C’est encore moins évident en contexte de télétravail, où nous pouvons être davantage portés à consulter nos courriels en soirée (ou à nous sentir coupables de ne pas le faire). Une coupure est nécessaire afin de bien récupérer.
Des ressources d’aide
- Programme d’aide aux employés (si disponible)
- Ordre des psychologues du Québec
- 514 738-1223/ 1 800 561-1223
- ordrepsy.qc.ca
- Tel-Aide
- 514 935-1101
- Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale
- Ressources gouvernementales
Étude sur le télétravail
Le télétravail prend de plus en plus de place pour de nombreux travailleurs. Cette migration vers le travail à distance souligne de nouveaux enjeux pour les entreprises, qui doivent adapter leurs pratiques de gestion à cette nouvelle réalité.
Laurence Bouchard travaille actuellement à un projet de recherche portant sur la santé psychologique au travail. Vous faites du télétravail? Participez-y : https://uqamfsh.ca1.qualtrics.com/jfe/form/SV_5thFQ1CXQ7nwo61
[1] Source : Institut national de santé publique du Québec, 2016, 2018, 2020.